Club Nipédu #7 [PASSION ÉDUCATION] : L’École, tu l’aimes ou tu la quittes ?

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Le Club Nipédu, c’est tous les lundis sur Clubhouse à l’heure du goûter (17h30) pour parler ensemble Éducation, Productivité et Numérique

Room du lundi 12 avril 2021

«Ses compétences font du prof un collaborateur hyper bankable sur le marché de l’emploi, le problème c’est qu’il ne sait pas toujours très bien comment les valoriser.»

Quentin Colombo, Enseignant et formateur 

LA SYNTHÈSE

Les temps sont rudes pour les profs. Certains songent d’ailleurs à quitter le métier alors que d’autres ont déjà franchi le pas. Dans la room [PASSION ÉDUCATION] du lundi 12 avril 2021, les participant•e•s ont largement témoigné et partagé  autour de leurs aspirations, leurs questionnements, leurs expériences réussies ou moins réussies de mise entre parenthèses de leur carrière enseignante.

CE QU’ON EN A RETENU

Quitter la classe mais pas l’École 

  • L’École parce qu’on l’aime, bien souvent on ne la quitte pas vraiment. Quitter l’École est le plus souvent synonyme d’un éloignement de la classe et non du monde de l’éducation : beaucoup sont formateurs dans le public comme dans le privé, cadres ou ingénieurs pédagogiques. C’est la passion de l’éducation qui les anime au quotidien et s’ils ne sont plus en classe, ils ont à coeur que les élèves demeurent les bénéficiaires de leurs actions à travers les enseignants qu’ils accompagnent.
  • La sphère éducative, c’est un univers professionnel aux missions variées. La timide ouverture que connaît l’École offre de nouvelles opportunités pour celles et ceux qui souhaitent faire valoir une expertise pédagogique validée par des années de pratique dans des contextes très différents.
  • Une passion toujours intacte, c’est souvent ce que recherche les recruteurs (au sens large du terme). La lassitude ou l’amertume héritée des années d’enseignement ne sont pas de bons compagnons dans la recherche de nouvelles opportunités professionnelles.
  • Élargir les perspectives, c’est l’une des premières motivations rapportées par les participant•e•s de la room. Au-delà du changement pour le changement, c’est la volonté de partager avec d’autres professionnels, de développer de nouvelles expertises par capillarité dans des équipes pluridisciplinaires et des projets plus larges que les projets de classe ou les projets d’école/établissement.

Entre respiration, nostalgie et sentiment de désertion  

  • Il y a une dimension prolétarisante du métier enseignant dans lequel les collègues s’investissent souvent au-delà du raisonnable. « Je suis petit fils de mineur et la classe c’est un peu comme la mine » d’après l’un des participants : « […] le même attachement viscéral au métier, la même dureté lorsqu’on est dans le trou, la même fierté, la même force dans le sentiment d’appartenance au corps et pourtant, comme pour la mine, lorsqu’on en sort, c’est pour ne plus y revenir. »
  • L’effet pervers du concours pour bon nombre de participant•e•s, le concours agit comme un verrou qui cadenasse les parcours et inhibe les élans de changement : il est souvent difficile de renoncer à ce dernier alors que les efforts consentis pour l’obtenir ont été importants.
  • L’impulsion qui fait quitter la classe a des origines multiples : l’envie de découvrir d’autres expertises, de travailler dans des environnements pluridisciplinaires, le sentiment d’avoir suffisamment expérimenté et d’avoir atteint un seuil de développement professionnel… La fatigue aussi liée aux conditions de travail : « Il faut du courage pour rester, il en faut aussi pour partir. »
  • Avoir conscience de l’énergie que demande l’animation de la classe au quotidien. Beaucoup des participant•e•s disent s’être cogné•e•s à ce principe de réalité. Passé un certain nombre d’années d’exercice, un certain âge, on peut prendre conscience de nos limites. L’évolution de carrière peut être envisagée comme une forme d’adaptation réaliste du poste de travail.
  • Garder un souvenir enthousiaste de la classe. Des témoignages de participant•e•s se croisent pour faire le constat de collègues qui se sont éreintés. D’abord passionnés et très investis, le temps, la désagrégation du sentiment de contrôlabilité sur ce qui fait le sel de la profession, les maltraitances réelles ou perçues ont fini par réduire voire éteindre la flamme.
  • Pour coller à leur choix de parcours professionnel, les collèges peuvent être amenés à prendre des décisions difficiles comme la démission, donnant lieu à des sentiments allant de la libération à l’exclusion.

Comment faire ?

  • Les collègues aux parcours les plus mobiles ont été des praticiens engagés, volontaires, au dynamisme pédagogique reconnu par leurs pairs et/ou leur hiérarchie. 
  • Bien souvent, ces collègues menaient des projets parallèles qui donnaient à voir, dans des démarches alliant humilité, honnêteté et générosité, leur passion et leur énergie, offrant ainsi un réel crédit et une belle visibilité aux compétences et à la vitalité de ces professionnels.
  • Accepter toutes les nouvelles aventures. Sortir de sa zone de confort, dépasser le syndrome de l’imposteur ou la simple crainte de ne pas être à la hauteur. Faire flèche de tout bois pour enrichir un parcours professionnel qui permettra de valoriser des compétences au-delà des compétences déjà nombreuses de l’enseignant.
  • Des ficelles institutionnelles qu’il faut aussi, il faut bien le dire, connaître pour quitter la classe, sans quitter l’École.
  • Il est important de prendre le temps de la réflexion, de prendre conseil auprès de collègues qui ont franchi le pas, d’associations ou d’initiatives qui accompagnent les enseignants dans leurs projets d’évolutions de carrière, tout spécifiquement hors de l’Éducation nationale. 
  • Le caractère sanctuarisé de l’école rend les passerelles professionnelles rares. Les opportunités de recrutement dans le privé ou dans le monde associatif sont peu nombreuses pour les enseignants.

Des compétences bankables ?

  • Dans le cadre de leur pratique quotidienne, les enseignants développent de multiples compétences : leur créativité et leur sens de l’adaptabilité aux situations, aux publics sont des compétences recherchées par le monde associatif ou le monde de l’entreprise.
  • Curieux et touche-à-tout par nature, les enseignants s’inscrivent largement dans  une « formation buissonnière » continue où ils développent bien souvent des compétences et des connaissances utiles  qui enrichissent leur action professionnelle.
  • Pour les collègues qui n’auraient connu que l’École, depuis la maternelle jusqu’à l’estrade en passant par la formation initiale, il y a un bien souvent une période de transition, un passage obligé très souvent nécessaire pour opérer un changement culturel pour appréhender au mieux les attendus du monde du travail hors Éducation nationale. Le fossé est parfois important entre les cultures professionnelles, ce qui peut constituer un obstacle dans une  (re)professionnalisation réussie.
  • Les participant•e•s de la room ne s’accordent pas tous sur les capacités managériales de l’enseignant : s’il a l’habitude de piloter cette « petite communauté » qu’est la classe, ces compétences sont-elles transférables dans le pilotage d’équipes d’adultes, qui plus est avec des cultures professionnelles et des visions du monde souvent très différentes de celle de l’enseignement ?
  • La culture du résultat existe-t-elle dans ce “métier impossible” qu’est l’enseignement ? Alors que les résultats aux examens sont évoqués par les uns comme des objectifs mesurables, d’autres signalent que ces indicateurs ne sont en rien comparables, dans la manière dont ils conditionnent les stratégies de pilotage et la survie des projets, aux KPI (Indicateurs Clé de Performance) du monde de l’entreprise.

Références

La formation buissonnière des enseignants, Leurs apprentissages personnels, entre enjeux pédagogiques et politiques
Olivier Maulini, Julie Desjardins, Pascal Guibert, Catherine Van Nieuwenhoven, deboeck supérieur, 2021

C’EST PAS FINI

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Retrouvez le dernier épisode de Nipédu dédié aux [DÉ]FORMATION PROFESSIONNELLE

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